La démocratie rend décidément les gens stupides. Que plus de quatre millions de personnes se soient déplacées dimanche dernier pour choisir entre les principaux responsables de la décadence de notre pays et pour plébisciter l’un d’entre eux, François Fillon, qui fut quatorze ans ministre dont cinq ans chef du gouvernement, en dit long sur la veulerie et l’amnésie de nombre de nos compatriotes. D’autant qu’ils ont voté à plus de 93 % pour les trois principaux responsables du désastreux quinquennat précédent : Sarkozy, même s’il a été éliminé, a obtenu un peu plus de 20 % des suffrages exprimés, Juppé 28,5 % et Fillon plus de 44 %. Comme l’avait tweeté Jean-Marie Le Pen avant même le résultat du premier tour de ce scrutin, « la primaire pré-présidentielle est une farce politicienne, une technique qui vise à blanchir les responsables politiques de la décadence ». Et force hélas est de reconnaître que la pantalonnade a une nouvelle fois fonctionné — les sept concurrents se sont d’ailleurs félicités de cette mobilisation populaire, de ce succès de la démocratie — avec le soutien d’une part importante de l’opinion qui, non contente d’être sans cesse cocufiée, trahie, méprisée et dépossédée, semble en redemander. Car enfin les trois débats télévisés en amont du premier tour étaient soporifiques, les différences entre les candidats relativement minces, leurs programmes indigents, et nullement à la hauteur de l’électrochoc qu’il faudrait pour le pays. Alors que les Etats-Unis ont élu un entrepreneur n’appartenant pas au sérail politique, et n’hésitant pas à proposer des mesures claires et radicales dans beaucoup de domaines, ne répugnant pas à répliquer de manière virile à ses contempteurs et à attaquer fermement le pouvoir en place et l’idéologie dominante (féminisme, antiracisme, écologie, dogme du réchauffement climatique…), les différents représentants des Républicains n’ont rendu publiques que des propositions dérisoires, ne prenant pas — ou ne voulant pas prendre — la mesure du tsunami migratoire que nous subissons et de la destruction du pays dans tous les domaines, moral, spirituel, politique, économique, culturel, éducatif, etc.
En plaçant en tête François Fillon qui a été Premier ministre de Nicolas Sarkozy de la première à la dernière minute de son quinquennat et qui en est donc autant comptable que le conjoint de Carla Bruni, qui fut de toutes les aventures ministérielles sous la “droite”, qui a occupé quasiment tous les portefeuilles possibles, et surtout les plus importants, les plus prestigieux, les électeurs ont montré une nouvelle fois leur totale amnésie. Rappelons que Fillon fut ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans le gouvernement de cohabitation d’Edouard Balladur de 1993 à 1995, ministre de la Poste et des Télécommunications dans le gouvernement d’Alain Juppé de 1997 à 2002, ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité puis de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche dans les gouvernements Raffarin de 2002 à 2005 et donc chef du gouvernement de mai 2007 à mai 2012 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Et l’on ose parler d’un homme incarnant le renouveau alors même qu’il a commencé sa carrière sous Giscard ! Cette capacité du Système politico-médiatique à recycler de vieilles badernes, les politiciens les plus médiocres, les plus veules et les plus conformistes, est assez stupéfiante. Comme l’est l’extraordinaire propension du public à se laisser manipuler comme des marionnettes ou des automates par le petit écran.
Pendant les cinq ans où Fillon fut Premier ministre, ce dernier ne manqua jamais le dîner annuel du CRIF où il s’aplatit chaque fois un peu plus devant les exigences, même les plus déraisonnables, du Sanhédrin. Pendant ce quinquennat l’immigration explosa, ainsi que les impôts, les taxes, les déficits et la dette, au point que Fillon alla jusqu’à déclarer qu’il était le Premier ministre d’une France en faillite. Et c’est donc cet homme sans convictions, reconnaissant lui-même la faillite de l’Etat qu’il codirigeait, ce pâle politicien qui mangea à tous les râteliers, qui fut tour à tour anti-européiste (il vota contre Maastricht) puis européiste, dirigiste comme son maître à penser d’un moment, feu Philippe Séguin, puis aujourd’hui ultra-libéral, qui a trahi sans vergogne tous ceux qui lui avaient donné du galon, à commencer par Sarkozy dont il demanda la mise hors course judiciaire de manière particulièrement perfide et lâche espérant ainsi satisfaire ses ambitions présidentielles. Il est en effet allé demander toute honte bue au cours d’un déjeuner, le 24 juin 2014, au socialiste Jean-Pierre Jouyet, secrétaire général du président François Hollande, d’activer les procédures judiciaires à l’encontre de l’ancien chef d’Etat, notamment dans l’affaire Bygmalion et dans celle du remboursement par l’UMP des frais de campagne de Nicolas Sarkozy lors de l’élection présidentielle de 2012 !
C’est en vain que l’on chercherait un sujet sur lequel Fillon n’a pas varié, un domaine où l’on pourrait louer une vraie conviction, une authentique fidélité à une idée, une rectitude de la pensée. Rien ne montre mieux la pusillanimité, l’inconstance et l’inconsistance de Fillon que sa position sur l’avortement. Il s’agit d’un modèle du genre. Après avoir écrit dans son livre-programme Faire que l’IVG était un « droit fondamental », l›ex-chef du gouvernement est revenu sur ses propos lors d›un meeting à Aubergenville dans les Yvelines le 22 juin dernier. « Ce n’est pas ce que je voulais dire. (alors qu’un livre est toujours relu avant publication !) Ce que je voulais dire, c’est que c’est un droit sur lequel personne ne reviendra. Philosophiquement et compte tenu de ma foi personnelle, je ne peux pas approuver l’avortement », a-t-il alors expliqué. Un argumentaire repris le 27 octobre, sur le plateau de « L’Émission politique » de France 2. « Jamais personne, et certainement pas moi, ne reviendra sur l’avortement. Je n’ai pas à m’expliquer sur mes convictions religieuses. Je suis capable de faire une différence entre ces convictions et l’intérêt général. Je considère que l’intérêt général, ce n’est pas de rouvrir ce débat. » Quel courage !
Mais ce n’est pas fini. D’un côté, Fillon a vivement critiqué la volonté du gouvernement d’assouplir les conditions de l’avortement en instaurant en 2014 un amendement supprimant la notion de “détresse” de l’IVG. « En choisissant de réécrire la loi de 1975 sur l’IVG, le gouvernement fait une faute morale et politique. Faute morale car il risque de “banaliser” l’avortement qui, selon les termes de Simone Veil, devait rester “l’exception”. Faute politique, car il prend le risque de diviser, une fois encore, les Français », écrivait-il sur son blogé le 20 janvier 2014. Pourtant, malgré ces critiques, il n’a pas siégé lors du vote sur ce texte. Mieux (ou plutôt pis) : le 26 novembre 2014, il a carrément fait partie de la toute petite minorité de députés UMP (27 en tout) à voter pour la résolution socialiste visant à « réaffirmer le droit fondamental à l’IVG ».De qui se moque Fillon ?
Ajoutons qu’il n’a pas été plus courageux sur la question du “mariage” homosexuel qu’il n’entend nullement abroger, ce qui n’a pas empêché le mouvement Sens Commun, émanation de la Manif pour tous, de le soutenir inconditionnellement dès le premier tour de la primaire dite de la droite et du centre. On ne dira jamais assez combien à notre époque la quasi-totalité des gens sont dépourvus de colonne vertébrale, de convictions solides et qu’ils sont incapables de soutenir jusqu’au bout des principes intangibles.
JB