Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Chaque jour deux agriculteurs se suicident en France .

 C’est un des grands tabous de cette société moderne de progrès. Celui que les media de sac et de corde s’efforcent d’occulter avec acharnement parce qu’il met justement en question la pertinence des choix qui ont été faits par procuration au nom des paysans eux-mêmes, sans jamais qu’ils aient été consultés sur leur sort. Sans que pas une seule racaille politique ou syndicale depuis 1945 ne leur ait demandé leur avis sur la prodigieuse révolution dans laquelle on les a précipités, à leur insu. Condamnés, au fur et à mesure que la catastrophe prenait de l’ampleur les laissant seuls face au désastre. Economique, financier, moral, mais surtout psychologique. Confrontés, qui plus est, dans le déferlement d’anathèmes que depuis Lalonde les media enchaînés ont déversé sur leur profession au vide sidéral des campagnes. Instrumentés par 40 ministres incultes. Dont l’un des plus minables est l’actuel titulaire de la fonction qui répondant aux critiques dont il est l’objet mit en avant son DEA d’économie agricole et le diplôme spécialisé professionnel qui lui aura permis d’enseigner quelques années durant cette matière dans un lycée agricole. Lançant à ses interlocuteurs de l’Assemblée Nationale un vibrant « Si quelqu’un ici aurait pu devenir agriculteur : j’en suis ». Déchaînant sur les réseaux sociaux une vague de sarcasmes. Car il est tellement plus facile de se vanter d’être capable d’être agriculteur tout en se gardant bien de s’y hasarder !

C’est tellement vrai qu’il suffit de consulter les chiffres de la dépossession rurale au cours du dernier demi-siècle et de la désertion des fermes et des campagnes pour se douter qu’une fuite aussi colossale devait bien avoir quelques explications occultes.

En 1936 les ruraux représentaient la moitié de la population française alors qu’en 1921 avec plus de 21 millions d’individus ils étaient largement les plus nombreux. Mais en 1963, malgré une forte augmentation du nombre des Français, cette population ne s’élevait plus qu’à 18 millions. On évaluait alors les agriculteurs à 9 millions — 5 millions d’hommes et 4 millions de femmes —. Les propriétés agricoles étaient 1,9 million dont les 2/3 étaient totalement ou en partie des métayages. Aujourd’hui on ne compte pas plus de 400 000 agriculteurs et sans doute 300 000 si l’on compte seulement ceux dont c’est l’activité essentielle. C’est dire l’accélération du « génocide paysan » qui est probablement le plus grand crime commis par l’ensemble de la société moderne contre l’âme des peuples et leur histoire. Aussi, lorsque le gouvernement se lamente sur les 10 % d’élevages qui seraient en faillite, non seulement on est certainement loin du chiffre global des propriétés qui ont cessé d’être viables mais il faut mettre cette évaluation en rapport avec le faible nombre d’agriculteurs résiduels dans ce pays.

La disparition chaque année en Europe de milliers d’entre eux a pour conséquence directe l’élargissement des propriétés et des élevages. Dont on sait qu’il induira automatiquement l’utilisation encore plus massive de techniques, de bio-technologies, de chimie, rendues indispensables par la taille démente des unités de production agro-industrielle.

Un exemple tout simple est donné par les « exploitations laitières ». En 2002 en Bretagne le troupeau moyen était de 37 vaches. Il était passé en 2011 à 50 vaches. Et l’on sait que dès lors que la taille atteint 80 à 100 bêtes les propriétaires pensent sérieusement, parce que c’est trop difficile à gérer, à des regroupements débouchant sur la formule de « la ferme à 1 000 vaches »… et beaucoup plus. C’est à dire productrices d’ersatz alimentaires bourrés d’antibiotiques et d’ETM (Eléments-Traces métalliques) qui sont carrément toxiques pour les organismes des consommateurs.

De surcroît le coût d’installation dans l’élevage dit industriel d’un jeune agriculteur nécessite un investissement de l’ordre de 300 000 à 600 000 euros. Dans le contexte actuel c’est un pari suicidaire sur l’avenir. Encouragé par tous les organismes administratifs, techniques, financiers qui ne (sur)vivent que de cette poule aux œufs d’or née d’une mystification soigneusement entretenue.

 

C’ETAIT LE PLUS BEAU METIER DU MONDE

 

Suicidaire. Le mot est lâché. Or dans ce pays, depuis 1939/1945 est du domaine de l’interdit tout ce qui touche à la ruralité. Aussitôt le concept est défini comme “Pétainisme”, assimilé au “nazisme” et susceptible de relever des lois mémorielles. Il y a tout lieu d’être méfiant. Les gens le sont. Les media le sont. On peut évoquer autant qu’on veut les deux douzaines de fonctionnaires de l’EDF qui se sont suicidés. On peut rappeler le fort taux de désespérés qui mettent fin à leur jour dans la police avec leur arme de service. Mais il est rare qu’on cite la profession où, de très loin, on dénombre le plus de suicides, les agriculteurs. On en parle rarement et quand cela arrive c’est en donnant des chiffres considérablement minorés.

Pendant plusieurs jours tous les media de France auront fait résonner leur tambour sur les manifestations radicales menées en diverses régions par des agriculteurs. On a parfois évoqué avec une grande pudeur les conditions difficiles auxquelles ils doivent faire face, y compris l’obligation dans la plupart des cas de devoir vendre leurs produits en dessous du prix de revient, ce qui, en bonne logique comptable, signifie être en faillite avec toutes les conséquences psychologiques et sociales que cela implique. Mais, a-t-on souvent entendu dire, ils pourraient être plus raisonnables, moins violents et avoir plus d’égards pour les touristes et pour ceux qui voudraient profiter de leurs vacances bien méritées !

La vérité est la suivante. Si au cours de ces journées la formule « suicide paysan » n’a jamais été prononcée, elle était à l’esprit de tous ceux qui étaient descendus dans les rues. Parce que tous les agriculteurs possèdent un voisin, un parent, un ami qui un jour s’est suicidé, à force de vendre en dessous du prix de revient et de ne plus pouvoir nourrir sa famille.

Le 11 octobre sera la Journée du « Suicide paysan ». On verra combien, parmi ces media tartuffes qui ne manquent jamais de nous rappeler la Journée du Sida ou celle de Mandela, oseront ce jour-là consacrer dix lignes à l’événement.

Cette journée est organisée par un agriculteur breton, Jacques Jeffredo, opticien devenu maraîcher il y a 8 ans et qui non seulement ne produit que du vrai “bio” mais pratique la vente directe autour de Camors, près de Vannes. Cette journée, il la dédie aux familles ainsi détruites. « Parce que, dans les cas de suicides, les familles se sentent parfois responsables, et il est temps que la société leur demande pardon ».

Il explique que dans les seuls cantons voisins du sien, au cours des douze derniers mois, dix agriculteurs se sont suicidés. Depuis plusieurs années, il fouille les archives, les coupures de presse, Internet. Il a trouvé plus de 600 cas de suicides d’agriculteurs par an, alors que les statistiques de la Mutuelle Sociale Agricole publiées en 2013 estimaient qu’il y en avait eu 485 sur les années 2007/2009. La raison en est simple : de nombreux suicides sont déclarés comme accidents parce que les familles soudain dépouillées de tout, ruinées, à la rue, n’ont pas d’autre solution afin que leur soient payées les assurances auxquelles elles n’ont pas droit en cas de suicide.

Il faut écouter Joffredo qui ne s’arrête d’ailleurs pas à l’endettement des fermes. Le drame est tellement plus profond alors que des émissions aussi perfides que « Le bonheur est dans le pré » ne servent qu’à en masquer l’immensité.

« L’agriculture et la société évoluent, explique-t-il, et tout le monde n’est pas prêt. Autrefois, les travailleurs rentraient le soir fatigués mais heureux du travail accompli. Les enfants étaient fiers de leur papa. Il avait bien sûr le plus beau métier du monde. Et ils n’avaient qu’une envie, faire le même métier. Aujourd’hui tout est différent. Les jeunes ne respectent plus leurs parents, car il ne sont pas fiers de ce qu’ils font. »

Et il fait cette analyse qu’on aimerait entendre plus souvent dans la bouche des bonnes âmes qui prétendent refaire le monde : « Dans la formation des agriculteurs, on enseigne régulièrement qu’ils vont nourrir la planète, qu’ils vont sauver le commerce extérieur. D’ailleurs, on parle de produits d’exportations agricoles en équivalents Airbus… Je peste contre cette argumentation, car tout le monde sait qu’il ne s’agit en rien de nourrir la planète, mais seulement de fournir à moindre coût des matières premières pour alimenter un business florissant. L’enseignement agricole prépare à un fonctionnement idéal, pas à la réalité. D’où des déceptions, qui deviennent désarroi chez ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas s’acclimater ».

Jacques Joffredo, s’en prend durement aux media dont il dénonce à juste titre le silence. « Jamais rien, proteste-t-il, n’a été organisé pour elles et pour eux. Nous en sommes à 600 suicidés par an en agriculture et rien… le silence ». Le suicide est la troisième cause de mortalité dans le monde agricole après les cancers et les maladies cardiovasculaires. Aussi a-t-il lancé une pétition à retrouver sur Internet en cliquant sur Yahoo ou Google : « soutien aux familles d’agriculteurs suicidés. »

Le 11 octobre 600 croix seront déposées devant la basilique Sainte Anne à Sainte-Anne-d’Auray, en Bretagne.

 

Petrus AGRICOLA.

Les commentaires sont fermés.