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Agriculture

  • Les incuries sans nombre de notre gouvernement .

    Ces dernières semaines, on a assisté à une sorte de mise générale en accusation du consommateur d’eau brusquement accusé de tous les maux !!

    Gouvernement, médias à sa botte, experts subventionnés, écolos: tous se sont ligués pour dénoncer haut et fort notre comportement irresponsable: nous qui osons encore prendre en catimini un bain de temps en temps, ou peut-être essayer de sauver nos plantes par des arrosages parcimonieux et quasi-clandestins ou encore, ces agriculteurs égoïstes qui n’arrivent pas à laisser leurs récoltes dépérir, alors qu’on leur interdit cyniquement les bassins de rétention dédiés qui atténueraient au moins leurs problèmes et qu’on laisse même librement dévaster ceux affectés à un usage commun. Mais les dogmes écologiques ne naviguent jamais de conserve avec le bon sens...

    Une lourde redevance d’incurie publique

    Pourtant grand silence ou presque à propos d’une donnée capitale et qui cette fois met en cause tous nos donneurs de leçons, lesquels comme d’habitude sont absolument incapables d’une stratégie à long terme, dés qu’elle dépasse la prochaine échéance électorale, c’est à dire cinq ans au maximum. 

    Combien d’entre nous savent que, selon les chiffres officiels près de 20% (soit quand même un milliard de m3) de la production nationale d’eau potable se perdent en fuites diverses affectant un réseau vieillissant (40% des canalisations ont plus de 50 ans) et encore ce chiffre de déperdition ne correspond–il qu’à la sommation des seules données fournies par celles des collectivités et par ceux des services ayant spontanément accepté de répondre à l’enquête.  Normalement, ce ne sont pas les plus mauvais, si bien que certains spécialistes n’hésitent pas à avancer des chiffres très supérieurs et jusqu’au double du taux de 20%,  pour eux notoirement sous-dimensionné. Même en s’en tenant au taux de 20%, c’est encore l’équivalent de la consommation moyenne de plus de 18 millions d’habitants,  qui part du point de distribution pour ne jamais arriver au robinet du consommateur.

    Et pourtant, en haut lieu, on connaît parfaitement ces résultats accablants. Mais en dépit de leurs grandes professions de foi écologiques, pour l’État, comme pour les collectivités territoriales, comme pour les concessionnaires, rien ne se passe. En effet de toute manière ces fuites ne leur coûtent rien, puisqu’ils vous les facturent sans vergogne plein pot taxes comprises, mais bien sûr en les noyant soigneusement dans votre consommation globale pour que vous ne protestiez pas. Certes on ne peut pas dire que ce système encourage franchement l’effort, ni la transparence, mais ce n’est pas non plus ce qui est recherché. D’ailleurs tous les plans visant à reprendre la main sont systématiquement différés, freinés ou amputés, si bien que cela ne gêne en rien ceux qui nous gouvernent que l’eau qu’ils nous enjoignent d’économiser vertueusement soit gaspillée à flot par eux le long des réseaux qu’ils se refusent à entretenir, à maintenir ou à renouveler correctement. Résultat:  même en s’en tenant au taux officiel,  vous pouvez ajouter aux taxes que vous payez déjà sur l’eau une redevance clandestine d’incurie publique qui majore de près de 25% (=20/80) le tarif réel de l’eau que vous consommez effectivement. En réalité chaque consommateur paye donc chaque année en moyenne une facturation induite de 55 m3 pour une consommation réelle de 44 m3!

    Et la situation n’est pas près de s’améliorer malgré toutes les déclarations et toutes les lois passées:  déjà en 2007,  on notait dans l’engagement 111 du Grenelle de l’Environnement le souci de réduire les fuites par tous les moyens. Un plan réglementaire récidivait en 2012, tandis que l’objectif était une nouvelle fois rappelé dans les Assises de l’eau en 2019. Malheureusement les chiffres sont têtus: la durée de vie moyenne d’un réseau est généralement estimée entre 50 et 60 ans, ce qui veut dire que si on en entreprend la maintenance régulière, il faut investir chaque année par rapport au coût total du réseau entre 2% et 1,67% d’effort de renouvellement et de remise en état. Et là on est tout de suite fixé puisque cet effort n’excède guère présentement 0,63% – soit pratiquement et en moyenne environ un tiers de ce qu’il devrait être – et une fois de plus on prend les consommateurs pour des gogos auxquels on peut sans se gêner raconter n’importe quelle histoire. Surtout qu’on sait parfaitement que certaines canalisations notamment en PVC vieillissent mal et qu’en ce cas,  les analyses de toxicité prises au robinet sont souvent nettement plus inquiétantes que celles effectuées à la sortie du point de distribution. Donc pour l’instant, il est clair qu’on pare au plus pressé, une fuite chassant l’autre (et encore pas toujours!),  et que nous ne sommes pas prêts du tout à récupérer notre eau, ni l’argent qui va avec. Il n’est pas exagéré de prétendre qu’actuellement et au sens littéral du terme, notre pouvoir d’achat prend sacrément l’eau cependant que les analyses officielles ne traduisent pas toujours la réalité à notre robinet.

    L’eau n’est hélas pas le seul secteur en crise ...

    Notez que l’eau n’est pas le seul secteur ou prévalent cette incurie publique et cette sorte d’aversion maladive en face des contraintes d’un entretien sérieux et attentif. La SNCF avec le déraillement de Brétigny et ses TGV régulièrement stoppés plusieurs heures en pleine campagne, EDF avec ses centrales nucléaires à l’arrêt dans un  ensemble confondant, nos ponts dont plusieurs centaines sont officiellement répertoriés comme dangereux, notre réseau routier en pleine déshérence, nos passages à niveau et leurs trente à quarante morts annuels, la Sécurité civile avec ses Canadairs vétustes et cloués au sol , notre armée dont beaucoup de matériels sont hors d’usage et n’assurent plus la protection que nos soldats sont en droit d’attendre, notre Justice dont l’équipement n’est jamais parvenu à répondre aux besoins des magistrats et des justiciables.

    Bref, la doctrine publique est très simple, aussi bien pour l’ État, que pour nombre de  collectivités territoriales, tant que cela ne se voit pas, on rogne tous les crédits alloués à des services jugés suffisamment discrets pour ne pas  protester trop bruyamment   et on affecte le tout à la croissance sans fin des politiques de solidarité et d’assistance (politique de la ville, allocations en tous genres,  sans papiers, mineurs non accompagnés, retraites aux étrangers n’ayant jamais cotisé en France…) largement électoralistes, qui ont réussi en quelques décennies à mettre le régalien à l’os. D’ailleurs les statistiques de l’étude de l’OCDE parue en novembre 2020 sont sans appel: la France consacre aux dépenses sociales publiques 31,1% de son PIB, alors que la moyenne OCDE culmine à 19,9%. Un écart qui ne date pas d’hier et qui explique l’essentiel de nos malheurs!

    Maintenant que la plupart des services vitaux se trouvent ouvertement en crise, la partie devient nettement plus difficile pour le pouvoir mis en face de toutes ses contradictions, de toutes ses négligences, de tous ses atermoiements et aussi de tous ses mensonges.  On citera notamment la faillite de l’Hôpital, les carences des urgences, l’effondrement alarmant de la sécurité publique, le sous-équipement manifeste de la sécurité civile, l’insuffisance prolongée des dotations militaires (cf. nos stocks de munitions!), la grande misère des locaux de police, la dégringolade de notre enseignement dans tous les classements internationaux, la vente à l’encan et dans des conditions douteuses de nos fleurons industriels, les chaussées hérissées de ralentisseurs illicites que personne n’entreprend de remettre aux normes

    Désormais, c’est clair: tous les voyants sont au rouge et aujourd’hui le pays se trouve à la croisée des chemins.  Il lui faut en effet sans délai dresser et surtout mettre en place et faire respecter un ensemble de réformes toutes  aussi indispensables, aussi urgentes les unes que les autres et dont les plus importantes ne sont doute pas celles voulues par Bruxelles, mais celles impatiemment attendues par les Français. Car ces derniers ont parfaitement réalisé qu’ils ne cessent de payer chaque année plus cher des services publics de plus en plus défaillants, parce qu’ils sont régulièrement mis à sac au profit de politiques de redistribution et d’accueil tous azimuts qui dépassent incontestablement les capacités du pays et qui le mènent à l’asphyxie par son endettement débridé. C’est donc toute une nouvelle stratégie qu’il s’agit de mettre en place et nous allons voir rapidement dans les mois qui viennent – ce sera d’ailleurs une indication précieuse pour l’avenir – si la transition écologique, dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles,  peut ou non s’accommoder que les pouvoirs publics et les concessionnaires  puissent continuer  à librement gaspiller 20%  (et sans doute bien davantage) de l’eau que nous produisons à si grands frais, tout en sommant les consommateurs de consentir les efforts que la puissance publique elle-même se refuse à engager.

     

  • Les chaleurs de 2022 ne sont rien à côté des sécheresses des années 1942-1949 !

     

    La sécheresse actuelle, touchant la quasi-totalité du territoire français, succédant à des sécheresses de plus faibles ampleur survenues en divers endroits en 2018, 2019 et 2020, provoque des réactions alarmistes selon lesquelles ces événements météorologiques seraient sans précédent et seraient la preuve d’une avancée vers l’abîme climatique. Mais  c' est un mensonge ...

    La grande sécheresse des années 40

    Et bien non. Un rapport intitulé “la Sécheresse des années 1942-1949”, écrit en 1950 par Joseph Sanson, vice directeur de la météorologie nationale, et Maurice Pardé, professeur à l’école nationale supérieure d’hydraulique, nous montre que ces années ont été anormalement sèches, et sans doute bien plus qu’aujourd’hui par endroit.

    Les auteurs notent d’abord qu’un déficit pluviométrique a été constaté 7 années de suite dans les massifs montagneux Français, et que plusieurs de ces années ont vu des épisodes anticycloniques de longue durée empêcher les perturbations atlantiques de venir arroser l’ensemble du territoire. Ainsi, en 1948-1949, un tel épisode anticyclonique a duré 254 jours.

    Cette succession d’événements secs a provoqué un assèchement des principaux bassins fluviaux, et plus particulièrement de la Seine, de la Loire et de la Garonne, surtout observés entre 1947 et 1949. Les auteurs expliquent qu’un régime de pluies faibles et rares amplifie les déficits de débit fluvial, les pluies faibles étant d’abord captées par les sols et les nappes. De plus, contrairement à ce qui s’était produit lors de la grande sécheresse de 1921, qui succédait à 10 années très humides, les successions de sécheresses avaient vidé les réserves souterraines capables de soutenir les débits. Cela explique que de nombreux cours d’eau, notamment secondaires, étaient à sec ou quasiment à sec lors de l’été 1949.

    Une sécheresse imprévisible et d’ampleur supérieure à celle d’aujourd’hui

    Les auteurs ajoutent que de telles basses valeurs de débit étaient parfaitement impossibles à prévoir sans changement du climat avant 1941, tant elles se sont écartées des pires mesures antérieures. Ainsi par exemple, la Loire, à la station de Montjean (Maine et Loire, entre Angers et Nantes), a connu un déficit cumulé de débit de 41% sur les 8 années 41-49, alors que les mesures antérieures sur un grand fleuve français n’avaient pas dépassé 25% de déficit pour la Seine entre 1857 et 1865. Plus particulièrement, entre octobre 1948 et septembre 1949, le débit mesuré à cette même station a été 5 fois moins élevé que la moyenne. Le précédent record, en 1920-1921, n’était “que” de 3,3 fois.

    Les auteurs soulignent qu’en dehors des alpes et de l’aval rhodanien, relativement épargnés, la pénurie hydrologique observée alors était “sans précédent connu, (…) peut être 2 à 3 fois plus graves que lors des années antérieures les plus défavorisées depuis 118 ans”.
    Si aujourd’hui, certains alarmistes diffusent sur les réseaux sociaux des photos du lit de la Loire presque à sec, notamment à Varades, à quelques kilomètres en aval de Montjean, ils oublient de mentionner que le débit actuel du fleuve mesuré à cette station est de 94m3/s, alors que le record mesuré le 23 Août 1950 s’établit à 50m3/s. La mesure actuelle reste également supérieure aux minima de 1921 (67m2/s) et 1911 (74m3/s). Rien ne dit que la mesure actuelle ne descendra pas encore, mais nous restons pour l’heure loin des minima historiques.

    Les auteurs notent également que malgré la sécheresse globale, quelques bassins versants ont quand même subi des épisodes de crue, notamment pendant l’hiver 1944-45, et les crues d’Alsace Lorraine de décembre 1947 ont établi des records dont certains restent en vigueur aujourd’hui.

    Les conséquences de la sécheresse ne sont pas les mêmes aujourd’hui

    Sanson et Parcé notent que ces années furent le siège de récoltes agricoles en forte baisse, mais, compte tenu du contexte de guerre jusqu’en 1945, ils refusent fort justement d’en attribuer la cause uniquement aux seuls aléas météorologiques. Ils notent aussi que la production hydroélectrique fut divisée par 3,5 par rapport aux normales d’avant guerre sur la période 1948-1949, et que plusieurs réservoirs de barrages hydroélectriques étaient à sec,  entraînant des coupures de courant récurrentes. Les auteurs, loin de crier à l’apocalypse climatique, font preuve de beaucoup de modestie, et s’estiment incapables de prédire si la tendance observée doit se poursuivre ou si un retour à la normale doit être envisagé. Ce retour à la normale, de fait, eut bien lieu dans les années 50, le régime du bassin versant de la Garonne restant toutefois assez sec jusqu’en 1958.

    Les sécheresses d’hier ne sont pas celles d’aujourd’hui, lesquelles ne seront pas celles de demain. En effet, les conditions influant sur la perception de la sécheresse ont changé. En 1948, notre population n’était que de 42 millions d’habitants, et beaucoup de foyers ruraux n’étaient alors pas raccordés à l’eau potable. Les prélèvements pour l’eau potable, tant pour les ménages que pour la production d’électricité ou toutes les activités économiques, ont été multipliés par 3 entre 1955 et 1985 . La tendance s’est inversée depuis, et la consommation d’eau baisse depuis les années 90, tant du fait d’une légère baisse de celle des ménages depuis le début des années 2000 que de l’amélioration des réseaux de distribution et de l’efficacité hydraulique des industries et de l’agriculture. Cependant, les prélèvements pour l’eau potable restent 2,7 fois plus importants qu’à l’immédiat après-guerre. Le risque de pénurie est donc plus sensible aujourd’hui, même à niveau de sécheresse moins dur d’un point de vue météorologique.

    Conclusion

     Il apparaît donc que ni la sécheresse de 2022 ni la succession d’épisodes secs depuis 2018 ne sont sans précédent, et que la période comprise entre 1942 et 1949 a été hydrauliquement plus dure que l’actuelle.

      Naturellement, la série actuelle de sécheresses est en cours, et il est encore trop tôt pour conclure quoi que ce soit quant à l’évolution à long terme de notre climat, mais à l’évidence, crier à l’apocalypse climatique et à la fin de l’eau en France est prématuré et non constructif !!

    La meilleure façon de lutter contre les effets des sécheresses réside dans la poursuite de nos efforts technologiques (désalinisation, recyclage, efficacité hydraulique industrielle et agricole) pour réduire nos prélèvements sur la ressource fluviale et souterraine.

  • Comment Bruxelles et Paris ont étranglé l’agriculture française .

    Blé

     

     

    La «ferme France» est menacée.

    Malgré de bons indicateurs à l’export, la France régresse au classement mondial des puissances agricoles, au point de perdre son autonomie alimentaire.

    Absence de stratégie de l’État, politiques européennes néolibérales et pression écologiste ont creusé la tombe des agriculteurs, qui défilent ce 27 novembre à Paris.

    «Chaque citoyen-consommateur a-t-il bien conscience que sa liberté de pouvoir choisir l’alimentation qu’il souhaite, dans les quantités qu’il espère et la qualité qu’il exige, dans son propre pays, relève de ce principe fondamental qu’est la souveraineté alimentaire?»

    À l’heure où l’on ne jure plus que par le bio, la question peut paraître purement rhétorique. Pourtant, alors que les agriculteurs convergent vers Paris pour manifester leur colère ce mercredi 27 novembre, le rédacteur en chef du magazine Marianne, Jean-Claude Jaillette, tirait en début de semaine le signal d’alarme dans une enquête. Pour lui, le constat est sans appel: la France a perdu son autonomie alimentaire.

     

    Les manifestations d'agriculteurs
    © AFP 2019 Sakis Mitrolidis
     
     
    Une affirmation qui prend le contre-pied d’indicateurs économiques encourageants, de prime abord… En effet, sur le papier, le temps semble au beau fixe pour l’agriculture française. Comme le rappelle le journaliste, cette dernière conforte sa place de leader européenne et les revenus des agriculteurs se maintiennent globalement à la hausse, malgré celle des charges d’exploitation (carburant, engrais…). S’ajoutent à cela de bonnes récoltes de blé et d’orge, qui iront doper les exportations tricolores.

     

    Rappelons que le blé est l’une des matières premières qui constituent le fer-de-lance des exportations agricoles françaises. Fin 2010, alors que le cours du blé flambait (+70% en un an), la lettre d’information Agriculture & Environnement dressait le parallèle suivant: les deux milliards d’euros d’exportations du seul blé tricolore cette année-là représentaient l’équivalent de quarante A320.

    D’ailleurs, selon les chiffres de Bercy pour l’année 2018, les produits agricoles et agroalimentaires figuraient au premier rang des exportations françaises, avec 62,4 milliards d’euros, devant les exportations aéronautiques (57,2 milliards d’euros) –alors même qu’Airbus venait de vivre une année record avec 800 livraisons– ou encore de la filière luxe (51,3 milliards d’euros). Une situation radicalement différente d’il y a quelques années, où le luxe tenait le haut du panier devant les produits chimiques et les produits agricoles.

    L’agroalimentaire: à l’export, un fer de lance… émoussé

    Pour autant, comme le rappelle notre confrère de Marianne, les céréaliers et viticulteurs ne sont pas les seuls agriculteurs en France. Le journaliste, auteur de plusieurs ouvrages sur le monde agricole, rappelle ainsi les chiffres suivants: pour la seule année 2015, la Mutualité sociale agricole (MSA) recensait le suicide de 605 de ses assurés. Selon l’organisme de protection sociale, un agriculteur se suicide chaque jour. Un phénomène sur lequel revenait, juste avant l’automne, le journal La Croix, sur la base d’un photoreportage émouvant.

    Un malaise qui trahit la dure réalité qu’endure le secteur tout entier. En effet, si les exportations et certaines récoltes font bonne figure dans les statistiques économiques du pays, dès que l’on creuse un peu, le tableau est bien moins réjouissant pour l’agriculture française, qui est «en réalité en déclin», assène Jean-Claude Jaillette,

    «La production française stagne en volume alors que celle de nos voisins progresse. Pis, alors qu’elle était la troisième exportatrice mondiale en 2005, la France occupe désormais le sixième rang, quand l’Allemagne, les Pays-Bas et même l’Espagne maintiennent leur rang. Plus grave encore que le recul des exportations, notre agriculture ne parvient même plus à satisfaire les besoins intérieurs.»

     

    Des agriculteurs français allument des «feux de la colère»
     
     
     
    Reprenant les travaux du sénateur (LR) Laurent Duplomb, rapporteur de «La France, un champion agricole mondial: pour combien de temps encore?», un rapport publié en juin 2019, le journaliste en chef de Marianne souligne ainsi que les importations de produits agricoles en France ont bondi de 87% en dix ans, la palme revenant aux produits laitiers, que l’on importe deux fois plus qu’il y a dix ans.

     

    «Un fruit sur deux et un légume sur deux ne sont pas produits en France, comme 34% de la volaille et 25% de la viande de porc. Même le bio, qui devrait être produit au plus près, est importé à 31%», ajoute notre confrère.

    «Au fond, ce déclin est relatif à la montée des agricultures du reste du monde», résume-t-il. Un déclin aux causes «bien identifiables», insiste le journaliste qui s’appuie sur les constats dressés par le sénateur: à commencer par la disparition de 17% de la surface agricole en France depuis 1961, soit «l’équivalent de la région Grand Est», compare l’élu. Autre cause mise en avant par le journaliste et le sénateur, les liens étroits entre la politique agricole française et les politiques européennes.

    Produits agricoles importés: +87% en dix ans!

    Problème, l’Europe «affiche une certaine négligence en matière de stratégie agricole» déplore Laurent Duplomb. Le journaliste évoque par ailleurs la «forte baisse» envisagée du prochain budget de la PAC (Politique agricole commune). Une décision qui «laisse mal augurer de l’importance géostratégique accordée par l’Union européenne au secteur agricole», tacle le sénateur.

    «L’Europe est la seule région du monde à avoir diminué ses soutiens publics à l’agriculture entre 2008 et 2016. En Chine, au Brésil, aux États-Unis et même en Russie, ils ont augmenté. Quand l’Europe démantèle avec une naïveté toute néolibérale sa politique de soutien, le reste du monde fait l’inverse», martèle notre confrère.

    Pour lui, «l’Europe (et la France en particulier) dort sur ses lauriers gagnés grâce à la PAC menée depuis le début des années 50». Illustration de cette «naïveté» tout européenne: les récents contrats de libre-échange négociés avec le Canada, le Chili, l’Ukraine ou encore les pays du Mercosur, dont le Brésil. «Combien de temps nos éleveurs de bovins résisteront-ils à l’arrivée des 99.000 t de bœuf brésilien ultra-concurrentiel, qui viendront s’ajouter aux 80.000 t bradées arrivées au nom des précédents accords?», s’interroge Jean-Claude Jaillette. Pour lui, il faut «inventer de nouvelles régulations internationales remettant en cause le dogme de l’OMC», estimant qu’être «le meilleur élève de l’OMC, comme le souhaite la Commission européenne, conduit à l’échec. Il est temps d’inverser le courant.»

    L’agriculture, comme l’industrie, victimes de «joutes parisiennes hors sol»

    Mais au-delà d’un manque de stratégie au plus haut sommet de l’État concernant l’agriculture, ou même de la politique menée par l’Union européenne dans ce secteur, la perception qu’ont les Français n’est-elle également pas en cause? En effet, ces derniers nourrissent une méfiance grandissante à l’égard de leurs propres agriculteurs. Un phénomène sur lequel revient ce 27 novembre, L’Opinion, se penchant sur le malaise de ces agriculteurs qui «se sentent désormais haïs de leurs concitoyens».

     
    Il faut aussi revenir sur un tournant qui s’est opéré dans l’opinion publique, entre la fin 2015 et le début de l’année 2016. En cause, la publication de vidéos d’activistes antispécistes sur les maltraitances animales dans des élevages ou l’avis d’une agence de l’OMS concernant cancérogénicité de la viande rouge. Les médias ont aussi joué leur rôle dans ce désamour, avec des émissions et documentaires respectivement consacrés aux pesticides et au bien-être des animaux, diffusés à des heures de grande écoute sur les chaînes du service public. En somme, des scandales médiatiques qui marquèrent une opinion déjà «travaillée par le scandale de la vache folle».

     

    S’ajoute à cela la décision d’Emmanuel Macron d’interdire le glyphosate en France sous trois ans. Une décision perçue comme étant purement politique par les syndicats d’exploitants agricoles, le Président cherchant avant tout à «donner des gages» à son aile écologiste. Des syndicats agricoles qui dénoncent ainsi l’influence prise par «l’extrême gauche» sur la thématique, et des «joutes […] hors-sol, très parisiennes».

    Une perception tronquée, un pan majeur de notre économie qu’on livre à la vindicte à des fins politiques, le tout avec des conséquences déplorables à long terme. Un phénomène qui fait écho à la stigmatisation du milieu industriel

    évoqué par Philippe Ansel:

    «Aussi bien pour le grand public que pour le monde politique, l’industrie est synonyme de pollution, c’est quelque chose de sale, c’est synonyme de chômage, de pneus qui brûlent...» résumait le chef économiste de la Fondation Concorde, dressant le tableau d’une industrie, victime des clichés et du marketing politique.

    Résultat, des délocalisations massives, dont l’impact écologique est nettement négatif, sans même parler des questions de souveraineté économique. Un air de déjà-vu, donc pour l’agriculture. Nos agriculteurs et éleveurs permettent depuis des décennies aux Français de jouir de produits d’une qualité souvent supérieure à celle de produits d’importation, soumis à des normes sanitaires drastiques. Pourtant, par clientélisme politique, par européisme, par absence de vision stratégique de secteur-clef de notre économie, non seulement nous abandonnons nos agriculteurs, mais nous mettons en danger notre approvisionnement alimentaire en nous orientant vers des filières étrangères.